OUATE ET VERRE

OUATE ET VERRE

25.3.12

GUSTAVE

Pour Un mot. Une image. Une citation :

Je n’aime pas aller aux bords du Ruzizi pour chercher l’eau de la famille. C’est là où vit Gustave, le gros crocodile, croqueur des hommes. Mais parfois, c’est connu, il croque aussi les petits gars comme moi pour son quatre-heures. C’était mon ami Jules qui me l’avait dit et Jules, qui était grand et beau, avait une vache à lui tout seul, héritage de son grand-père. Et Jules, lui, ne mentait jamais, c’était connu.

Alors, quand Jules tomba amoureux de ma sœur, Félicie, c’est moi qui leur servais d’intermédiaire. Chaque soir quand il fallait chercher l’eau, je tombais toujours sur Jules, en train d’abreuver sa vache. Il avait toujours un mot à me dire, un seul mot, que j’étais censé répéter à ma sœur dès mon retour. Non, je ne peux pas te les dire, ces mots, c'était un secret, ils étaient seulement pour l’oreille de ma sœur, Jules avait été formel.

Ma sœur, par contre, n’avait jamais de mot pour Jules, mais j’aimais la façon dont ses yeux luisaient à chaque fois qu’elle entendit un de ses messages. Ses yeux devenaient comme deux étoiles dans le ciel la nuit où il n’y a pas de lune. Pendant le reste de la soirée, Félicie fredonnait comme font les abeilles dans les fleurs blanches qui sentent le citron et qui poussent aux bords du sentier qui amène au Ruzizi.

Mais un soir quand j’arrivai au fleuve, Jules n’était pas là.  Je regardais bien parce que je savais que Félicie attendait son mot. Sur la grève, j’ai retrouvé des roseaux aplatis comme sous un grand poids, des taches noires par terre. Soudain, j’ai entendu un bruit. Me retournant, je vis la vache de Jules, abandonnée. Elle me regardait de ses grands yeux marron et je compris  qu’elle était maintenant à moi. Après tout, Jules m’avait souvent dit qu’on ne peut donner ce qui ne nous appartient plus. Jusqu’à ce moment, j’avais pensé vaguement qu’il parlait de ma sœur.

Je pris rapidement mon eau et puis, je rattrapai la corde nouée autour des cornes de ma vache. Je me dépêchais pour rentrer. Papa et maman ne poseraient pas de questions pour la vache, mais je ne savais pas trop ce que j’allais raconter à ma sœur. 

Toutefois, j’imaginais bien qu’il n’y aurait pas d’étoiles cette nuit.

23.3.12

Match nul

Le bien, le mal
Le mieux, le pire
Le correct, l'immoral
Le laid, le beau
Le gros, le maigre
Le vrai, le faux
Le grand, le petit
Le sublime, le ridicule
Le oui, le non
Le sacré, le profane
La vie, la mort
Le noir, le blanc
Le yin, le yang

18.3.12

JOURNAL

Pour En vos mots :

Tableau par Antonio Abellan


Plus rien n'est une surprise -
Ni le temps, ni la mort,
Ni les tricheurs dans les sports,
Ni les meurtres, ni la crise.

Plus rien n'est inconnu -
Ni les gens, ni la terre,
Ni la haine planétaire,
Ni la faim, ni le mal non avenu.

Plus rien ne nous se cache -
Ni l'horreur, ni l'injustice,
Ni bataille, ni armistice,
Ni courageux, ni lâche, si lâche.

Et pourtant :

Plus rien n'est en gazette
Avant de se lire sur l'Internet.

17.3.12

L'ORCHIDÉE ET LE PISSENLIT

L'ORCHIDÉE.  Ah, regarde-moi, comme je suis belle !

LE PISSENLIT.  Ah ?

L'ORCHIDÉE. Bah oui, ne vois-tu pas mes pétales délicates ?

LE PISSENLIT. Ah ?

L'ORCHIDÉE.  Oui, mes pétales et puis ma tige, et bien sûr que tu ne comprendrais pas ça !

LE PISSENLIT.  Ah ?

L'ORCHIDÉE : Ah non, parce que toi, tu es trop commun, vulgaire, ordinaire. Tu n'es pas beau comme moi, tu ne peux pas ressentir ce que je sens.

LE PISSENLIT.  Ah ?

L'ORCHIDÉE.  Oui.  Tu pousses n'importe où, et ton jaune me dégoûte !

LE PISSENLIT.  Ah ?

L'ORCHIDÉE (enragée). Oui, tu es la couleur de l'urine, c'est pour cela qu'on t'appelle un PISSEnlit.

LE PISSENLIT.  Ah ?

L'ORCHIDÉE. Oui, tu es horrible, tu n'as pas souffert comme moi, et c'est pour cela que j'ai un nom raffiné !

LE PISSENLIT (intrigué).  Ah !

L'ORCHIDÉE (triomphante). OUI !  Vulgaire, horrible, stupide pissenlit ! Tu ne comprendras JAMAIS l'honneur du nom orchidée ! Cela veut dire quelque chose de précieux.

LE PISSENLIT.  Ah, ça, oui, je sais. D'après le grec orchis ?

L'ORCHIDÉE (exultante).  OUI !

LE PISSENLIT.  Et qui veut dire « testicule » ?

L'ORCHIDÉE.  ...

- RIDEAU -

11.3.12

JOUR DE FETE

Pour En vos mots :

Tableau par Samuel Baldwin

Marthe nouait fermement les rubans sous son menton substantiel et vertueux.

Ce ne serait pas respectable d'y aller sans faire preuve de sa toilette habituellement impeccable.
Il fallait observer ses habitudes, même un jour de fête.

Certes, elle y était habituée, elle en avait témoigné d'autres.

Et pourtant, ses mains tremblaient légèrement et il lui a fallu trois fois pour que le noeud soit parfait.

Oh, la première fois, oui, c'était un peu déconcertant. Elle n'avait eu que vingt ans à l'époque.
Mais maintenant, alors, maintenant, c'était différent.

Elle connaissait bien les rites : se préparer, s'y rendre, témoigner l'acte, et puis rentrer et prendre un petit verre d'eau-de-vie pour s'en féliciter, oui.

À chaque fois, elle se sentait triomphale, sûre de la bonté des ses proches et fière de vivre dans un tel pays !

Dans la glace, elle nota une petite bulle de salive qui échappait de sa bouche, et elle essuya soigneusement ses lèvres qui ne souriaent pas souvent.

Mais bon, faudrait quand même qu'elle se dépêche un peu si elle souhaitait arriver au bon moment.

Bien après la dénonciation, certes, et le début du châtiment - parfois les cris la troublaient encore - mais bien avant la partie la plus importante.

Après tout, ce n'était pas tous les jours, après tout, et au contraire de tout ce qu'on disait ailleurs, ce n'était pas tous les jours qu'on pendait un des ces sales créatures !

9.3.12

Moralité

Un vieux chien, bourré de puces, s'est un jour mis à gratter et gratter jusqu'à ce qu'il soit mort d'une perte de sang.

RÉFUTATION

Ce qui est rare est cher.
Un billet d’avion pas cher est rare.
Alors, un billet pas cher est cher.


(ceci n'est pas ma participation
aux défiants,  c'est un also-ran)

3.3.12

La haine

Moi, qui ai toujours pensé
Que la haine brûlait,
Qu'elle était laide,

Cela fait tout drôle
De la revoir passer,
Jolie, froide et silencieuse.

~